Il était une fois un tout petit pays, tout au bout de l’Europe, très éloigné de chez nous.
Ce pays avait été grand il y bien longtemps s’étendait jusqu’à Istanbul à l’Ouest, jusqu’à Alep au sud.
Pays montagneux tantôt aride, tantôt boisé, l’Arménie ne compte plus que 30000 km² et 3 millions d’habitants.
La capitale se bat pour atteindre la modernité. D’un côté, les magasins les plus chics y ont devanture, la mairie ressemble à un palais; de l’autre, l’eau et l’électricité sont tout-à-fait capricieuses… En ville, par doux soleil, les hommes et surtout les jeunes gens sont nombreux à déambuler, sans doute sans travail. Les filles sont d’une extrême coquetterie et leurs talons aiguille surpassent en hauteur tout ce que j’avais vu et même pu imaginé….

La seule plaine se trouve à la sortie d’Erevan: rousse en cette saison d’automne. Les pierres patiemment enlevées du sol par les paysans forment de petits murets. Par beau temps, l’on y voit se profiler le sommet blanc du Mont Ararat. Cette montagne a une importance mythique pour les arméniens mais elle se trouve actuellement en territoire turc! Son cône me fait penser à une montagne sacrée, le Fuji.

L’ancienne capitale Artashat qui avait des liens avec Carthage, se nomme maintenant Khor Virap. Ce qui signifie « fosse profonde ». C’est là que fut détenu durant 13 ans Grégoire, dit l’Illuminateur. Il survécut grâce à une femme qui vint régulièrement le nourrir.
Le roi devenu dément se souvint de celui qu’il a fait lancer dans la fosse et le fait rechercher à cause de sa réputation de thaumaturge..
Grégoire guérit bien le roi qui accueille alors le Dieu de Grégoire. C’est ainsi qu’en 301, le christianisme devient la religion officielle du pays, bien avant Constantin et Rome. C’est , pour les Arméniens, un grand sujet de fierté. Le sens de la patrie est lié à l’Eglise depuis ces temps anciens jusqu’à ces derniers temps. La capitale est alors transférée à Echmiadzin. Refaite plusieurs fois à cause des tremblements de terre, l’église actuelle date du XVIIIe siècle. Des traces de doigt creusées dans le tuf montrent la vénération des fidèles pour ce lieu sacré.

Il était une fois un peuple qui avait beaucoup souffert. En 1915, le génocide qui élimine de Turquie toute l’élite arménienne. La traversée forcée du désert de femmes et d’enfants fut atroce et la majorité périrent en chemin , n’ayant ni à boire, ni à manger.
L’occupation russe dura 60 ans et a vidé les nombreuses églises mais la croyance religieuse est encore ancrée au fond des coeurs..
L’inconscient collectif est resté marqué par le fameux tremblement de terre de Spitak en 1988, qui a démoli la moitié de Gümri et de Vanadzor, Gogaran. Les populations ont gardé des traces de ce traumatisme. Presque toutes les familles de la région ont perdu un ou plusieurs membres de leur famille. Soros, jeune homme de 19 ans est mal-entendant car sa mère était enceinte de lui au moment du drame. Nombre de jeunes gens de cet âge ont une taille anormalement faible car ils n’ont pas eu à manger à leur faim au moment de la croissance.
Et l’on peut s’étonner , s’attrister de la passivité des gens à relever leur pays : les routes sont pleines de trous et les hommes désoeuvrés ne cherchent pas les reboucher. Découragement : le socialisme qui apportait tout et a tué toute initiative. Nombreux ceux qui émigrent: 1 million en 7 ans.
Leur relation avec les russes nous est difficilement compréhensible. Pour les arméniens, ce sont des alliés, des chrétiens, des défenseurs contre les Turcs (une garnison est encore en poste dans la région d’Ani ,la capitale médiévale restée en Turquie), des amis qui leur ont permis d’éviter le nazisme.
Les russes sont postés tout au long de la frontière arménienne du côté arménien, en raison de l’accord de défense stratégique signé entre les deux.

Carahunge est un immense site mégalithique du 8e ou du 3e millénaire avant le XT. Mais un grand nombre de ces pierres dressées ont été démolies par les tremblements de terre.
Ce qui est caractéristique de cet endroit, c’est le nombre de pierres qui ont été percées de trous bien réguliers d’une vingtaine de centimètres de diamètre. L’on s’interroge sur leur sens et leur utilité.

 

Nous troquons notre bus Mercedes pour une vieille camionnette russe pour affronter les routes de style africain où vaches, cochons, chevaux se sentent comme chez eux… Nous arrivons au monastère de Tatev du Xe siècle: actuellement désaffecté, il comptait plus de 500 moines au XVIIe siècle. Une colonne étonnante oscillait pour prévenir des tremblements de terre et des invasions. Des archéologues et architectes ayant voulu percé son secret, l’ont démontée en vain et maintenant, elle ne tient que grâce à des arceaux de fer. Pendant notre visite, notre chauffeur d’un jour cueille des pommes , les lave et les coupe pour nous : charmante attention.

Pour arriver au Karabagh (jardin noir), ce ne sont que des routes de montagne excellentes
mais tournantes. L’entrée est marquée par un monument.

Il était une fois un riche arménien de la diaspora qui avait fait fortune en Russie.
Soucieux de la dénatalité au Haut-Karabagh, il cherche une idée pour favoriser les naissances au pays… et il trouva! I Sachant que les arméniens ne veulent pas semarier s’ils ne peuvent fêter cela par une belle cérémonie, il inventa le plus grand mariage du monde en un seul jour. Chaque couple recevra 2.000 dollars pour le mariage, 5000 pour le 1er enfant, 10000 pour le 2e et 20.000 dollars pour le 3e enfant.
A Stepanakert, la capitale du pays, de grandes affiches et banderoles vantent les joies du mariage: Love turns chaos into life – Family is the beginning of the future.

A Gamsassar, nous assistons au défilé des vieux cars russes qui emmènent les futurs époux. Les mariées sont vêtues de robes froufroutantes, leurs futurs époux de costumes brillants qui portent un numéro bien en vue . Grâce à des palabres de notre guide arménienne avec la police et les autorités, nous obtenons le privilège de nous glisser dans
le cortège des cars.

Arrivés au monastère , nous avons le temps d’admirer l’église du XIIIe siècle qui a de superbes portes.

Les futurs époux, portant tous autour de la tête un ruban rouge symbolisant une couronne, défilent dans l’église pour y déposer des cierges et signer le registre officiel. A notre grand étonnement, nous les voyons sortir en marche arrière : c’est un signe de respect pour ne pas tourner le dos à Dieu!

Pendant ce temps, danses et chansons arméniennes; dans un coin, sous les arbres, des vaches sont costumées comme des mariées, tulle sur la tête, tablier à carreaux sur la croupe : touche d’humour, moquerie ?

Dans le fracas étourdissant d’un hélicoptère, arrivent le catholicos (archevêque arménien) et le président du Haut-Karabagh. La cérémonie a lieu sur la place car l’église est évidemment trop petite pour contenir 350 couples! Les 350 autres se marient au même moment dans l’église de Sushi. Il fait beau , grand soleil . Plusieurs jeunes femmes s’évanouissent et sont emmenées dans de vieilles ambulances russes. après le sermon du catholicos et la bénédiction des alliances, il y a un très beau geste inconnu chez nous: les futurs époux se tournent l’un vers l’autre front contre front.

Un mouvement de foule se fait ; c’est le donateur, Levon Hayrepetian qui arrive, soutenu par un ami : il a 50 ans mais est atteint d’un cancer.

Nous redescendons pour visiter Sushi, l’ancienne capitale du Haut-Karabagh qui a été complètement ravagée par la récente guerre. Dans sa cathédrale reconstruite à l’identique a eu lieu le mariage des 350 autres couples. Nous y pénétrons aux sons merveilleux du chœur d’Edjmiazin qui sonnent magnifiquement dans cette église . Comme nous sentons loin des bruits du monde, loin de la crise!

A la place de la République à Stepanakert, nous retrouvons tous les 700 nouveaux couples . Quelques jeunes mariées épuisées se sont tout bonnement assises sur le trottoir en ayant enlevé leurs chaussures tandis que quelques époux attentionnés courent leur acheter de l’eau. Reprenant leurs places dans le cortège, ils pénètrent en longues files dans le stade de 15.000 places. Des tables leur ont été préparées devant la scène et les familles et les amis se pressent sur les gradins et les curieux autour du stade… alors commence un concert de stars du rock , du pop que nous suivrons .. à la télévision tandis que dansent les mariés. Nous voyons Levon Hayrepetian se fait photographier avec chaque couple. Mais cette extraordinaire journée n’est pas finie: elle se terminera par un feu d’artifice. Unvrai conte de fée!
Noradous : cimetière de Hachkars (croix de pierre) où l’on voit l’imagination des sculpteurs qui travaillent selon le prix qui leur donné. Le relief est peu profond mais les croix débordent de vie. L’ornementation géométrique est un souvenir du temps où les arméniens étaient sous contrôle musulman mais pouvaient pratiquer leur religion.

De petites vieilles , sachant que c’est un endroit visité par les touristes, viennent y offrir leurs écharpes et gants. Mais comme c’est interdit, elles se cachent derrière les croix pour tricoter.

Arrivée au lac Sevan situé à 1900 mètres d’altitude. Il dépasse largement le Léman pa sa superficie :1300 m2.
Découvrons les 3 églises en basalte de l’endroit superbe. Ce sont les seules églises qui sont encore en activité car se trouve à côté le séminaire.

On ne sait choisir ce qui fut le plus beau: le couchant ou le levant du soleil sur le lac. Ceci pour nous consoler du logement sans eau et malodorant.

Un hachkar du IXe siècle est extraordinaire : le Christ porte de longues tresses.

Sur les côtés de petites scènes de la vie de Jésus naïves et fraîches : les rois mages, l’âne et le boeuf, etc.

Nous remontons vers le Nord pour admirer le monastère d’Arthagt, un des rares à avoir conservé des fresques.

Dans la vallée d’Alaverdi, l’usine de cuive fonctionne encore dans le bas. Elle est reliée au village qui se trouve en haut par un téléphérique ancien.

Le monastère de Sanahin fut fondé par des moines chassés de Byzance en 936.

Beaucoup d’éléments de construction nous intriguent : il y a 2 narthex. Deux églises sont réunies par une galerie qui servait de salle de cours de l’ Université.

Les colonnes à soubassements ronds ont d’extraordinaires chapiteaux. Il y a aussi des soubassements circulaires entourés de carrés dans les angles.

Ces églises posent plusieurs énigmes : a-t-elle influencé l’abbaye de Germigny-les-Prés? Serait-elle l’oeuvre d’Hugo de Messine, arménien, qui aurait réalisé plus tard le dôme d’Aix-la-Chapelle.

Nous arrivons dans la zone des tremblements de terre.

Le 7 décembre 1988, la ville de Spitak a été démolie, ainsi que Gyumri , la moitié de Vanadzor . Dans  le village de Gogaran, l’église a été remontée comme dans sa simplicité du IVe siècle…

Y aura-t-il un autre conte de fées qui permettra à l’Arménie de retrouver sourires, paix et prospérité?

A.L.G

(*) Papier d’Arménie : ce papier dégage une bonne odeur quand on le fait brûler. Il a été découvert par un français en voyage en Perse dans un quartier arménien.
Son nom lui a été donné par erreur.

Nous arrivons dans la zone des tremblements de terre.
Le 7 décembre 1988, la ville de Spitak a été démolie, ainsi que Gyumri , la moitié de Vanadzor . Dans le village de Gogaran, l’église a été remontée comme dans sa simplicité du IVe siècle.
Y aura-t-il un autre conte de fées qui permettra à l’Arménie de retrouver sourires, paix et prospérité ?