Impression désagréable. Vous êtes dans une réception où il y a de nombreuses personnes. Vous discutez avec une amie lorsque son regard se dirige derrière vous et ne vous regarde plus. C’est comme si vous n’existiez plus. Vous commencez à parler à votre mari. Il ne vous regarde pas et continue à lire son journal. Impression vraiment pénible.
Dans son livre, La chambre de Vincent, Medit ARDITI évoque le non-regard avec acuité. Il parle de ce non-regard qui incite une personne à se suicider.
Le docteur Pannwitz, chimiste en chef du camp d’Auschwitz, regarde Primo Levi comme on regarde un poisson dans un bocal, d’un regard qui ne s’arrête pas et, pourquoi mon dieu s’arrêterait-il sur celui qui n’existe pas ? Il le transperce sans le faire exprès, comme on transperce le vide.
L’autre n’est pas autre chose. Le non-regard marque et annule comme l’antimatière fait disparaître des particules vraies et solides, de la matière en bonne et due forme …
Comment se remettre d’une telle négation d’humanité ?
… trop peu d’humanité, trop peu en face de soi, rien, ni personne sur qui accrocher son regard, aucun partage.
Van Gogh peint 50 autoportraits desquels surgit une même supplique hurlante, insoutenable : « Pour l’amour du ciel, regardez-moi. »
Medit ARDITI, La chambre de Vincent, Ed. Zoé, Genève, 2002, p.17 à 19